Les vestiges gallo-romains à Paris
Le nom de Lutèce est mentionné pour la première fois par Jules César dans les commentaires de la guerre des Gaules en 50 avant J.-C. Il l’a décrite comme l’oppidum c‘est-à-dire "ville forte" des Parisii, une tribu celte installée en région parisienne depuis le 3ème siècle avant notre ère. Jules César situe Lutèce sur une île de la Seine ce qui laisse penser aux archéologues qu’elle se trouvait sur l’actuelle île de la Cité à Paris. Néanmoins, lorsque les Romains décidèrent de s’emparer de Lutèce, les Parisii l’incendièrent ne laissant aucune trace de l’emplacement exacte de la ville bien que de récentes fouilles archéologiques font penser qu’elle se situerait plutôt du côté de Nanterre.
En revanche, les archéologues sont certains de la localisation de la Lutèce gallo-romaine construite à la suite de la conquête romaine, au 1er siècle après J.-C. La ville se développe sur l’île de la Cité et surtout sur la rive gauche à partir de la Montagne Sainte-Geneviève. Vers le début du 4ème siècle, Lutèce prend le nom de Paris et, peu à peu, les traces de la ville antique s’effacent. Ce n’est que pendant la seconde moitié du 19ème siècle, avec les grands travaux haussmanniens, que Lutèce est redécouverte au travers de vestiges plus ou moins bien conservés.
Dans une première partie, nous verrons que les vestiges nous montrent que l’urbanisme de Lutèce est semblable aux autres villes romaines. Dans une seconde partie, nous verrons qu’ils nous renseignent sur le mode de vie des Lutéciens et, enfin, dans une troisième partie, qu’ils témoignent de l’importance majeure de la ville au sein de la Gaule romaine.
Tout d’abord, Lutèce compte environ 10 000 habitants et comme il est mentionné plus haut, elle s’est particulièrement développée sur la rive gauche et sur l’île de la Cité. En effet, la rive droite est marécageuse et les possibilités de constructions sont réduites. Cependant, des vestiges ont montré la présence de quelques habitations et d’un temple gallo-romain probablement dédié à Mercure au niveau de Montmartre.
A l’instar de toutes les villes romaines, Lutèce se dessine sur le traditionnel schéma en damier ou plan hippodamien où les axes nord-sud appelés "cardo" et "cardo maximus" et l’axe est-ouest appelé "decumanus" se coupent en angle droit déterminant les quartiers d’habitations et les espaces publics.
Le cardo correspond à l’actuel boulevard Saint-Michel, le cardo maximus, à l’actuelle rue Saint-Jacques et le decumanus à l’actuel boulevard Saint-Germain. Ces voies relient Lutèce au reste de l’empire romain. Si ces axes n’ont plus rien de romain à proprement parler, une dalle du cardo maximus est conservée et est visible à droite de l’entrée de l’église Saint-Julien le Pauvre.
En outre, bien d’autres vestiges permettent de comprendre que Lutèce est à l’image des villes romaines. Effectivement, des traces du forum au niveau de l’actuelle rue Soufflot ont été mises au jour. Il faut savoir que le forum est le centre névralgique de la cité, c’est l’emblème de la suprématie romaine. On y a trouvé des restes d’un podium attestant la présence d’un temple, un cryptoportique qui servait d’entrepôt pour les denrées alimentaires, une galerie abritant des boutiques et les traces d’une basilique du côté du cardo maximus.
Autour du forum, ont été trouvées des pièces de monnaies, des objets du quotidien et des ruines de maisons avec d’ailleurs un puits visible sur la place de la Sorbonne certifiant la présence de quartiers d’habitations.
Place de la Sorbonne, le puits gallo-romain au 1er paln
De surcroît, le carré des eaux de Wissous, le tracé le long de la rue Saint-Jacques et sur le flanc sud de la montagne Sainte-Geneviève ainsi que deux piles encore visibles à Arcueil-Cachan témoignent de la présence d’un aqueduc, monument typique de la Rome antique qui amenait de l’eau à Lutèce. Enfin, les ruines de trois thermes, d’un théâtre et d’un amphithéâtre (voir plus bas) sont à eux seuls des marques d’une urbanisation romaine de la ville de Lutèce.
Comme abordé plus haut, Lutèce est à l’image des villes romaines et la romanisation est visible aussi dans le mode vie des habitants. Ainsi la ville abrite des thermes. Les restes de trois établissements de bains ont été retrouvé sur la rive gauche. Le plus modeste (40 m sur 60 m) est au niveau de l’actuelle rue Gay-Lussac, le second se situe au niveau du Collège de France et le mieux conservé est celui des thermes du nord ou Cluny. Les thermes sont un élément fondamental de la vie à la romaine. C’est un lieu à la fois de convivialité et d’hygiène. Les Romains ont introduit ce mode de vie chez les Gaulois. L’état de conservation des thermes de Cluny permet d'en connaitre l’organisation : il y avait des vestiaires, des latrines, des palestres, des salles de bains froids (frigidarium), tièdes (tepidarium) et chauds (caldarium), des piscines, des étuves ….
D’autres vestiges montrent l’aspect social de la vie des Lutéciens comme le théâtre dont seules les substructions ont été retrouvées sous le lycée Saint-Louis ou encore les fameuses arènes de Lutèce qui sont en vérité un amphithéâtre. Avec ses 130 m de long et ses 35 gradins, c’est l’un des plus grands de Gaule. Il pouvait accueillir environ 18 000 spectateurs ce qui explique sa mise à l’écart de la ville car il accueillait aussi les spectateurs venant de régions environnantes. Bien que ces arènes aient failli être détruites par la municipalité au 19ème siècle, quelques gradins subsistent témoignant de la grandeur de l’édifice. Dans ces arènes pouvaient aussi bien se dérouler des comédies, des danses, des mimes que des combats sanglants de gladiateurs ou d’animaux féroces comme les carceres (niches) encore présentes le suggèrent.
Enfin, si le mode de vie des Lutéciens semble être très romanisé comme le témoignent ces vestiges, d’autres mettent aussi en lumière la cohabitation gallo-romaine comme le pilier des Nautes. En effet, sur ce pilier sculpté sous le règne de l'empereur Tibère et qui a été retrouvé lors de fouilles effectuées sous le parvis de Notre-Dame, sont représentés des dieux et déesses du panthéon romain à côté de divinités gauloises tel que Esus soulignant ainsi un syncrétisme religieux c’est-à-dire une bonne entente de diverses croyances.
Esus, dieu gaulois de la guerre, de l'agriculture, du commerce
Des vestiges qui témoignent de l’importance majeure de la ville de Lutèce dans la Gaule romaine
Tout d’abord, les restes d’un quai retrouvé au niveau de l’île de la Cité ainsi que les traces de Nautes, qui sont une puissante corporation qui contrôle tous les trafics du fleuve en amont et en aval de Lutèce, attestent de l'existence d'échanges commerciaux liés à la Seine. Cela confirme la position stratégique de Lutèce qui est un véritable carrefour, à la fois routier avec ses routes qui la relient au reste de l’empire, mais aussi fluvial avec la Seine. Ensuite, Lutèce est aussi une cité hautement stratégique pour le système défensif. En effet, lors de fouilles, des ruines de remparts ont été retrouvés autour de l’île de la Cité. Ceci peut être expliqué par la menace des invasions "barbares" au milieu du 3ème siècle qui a poussé les Lutéciens à se réfugier sur l’île. Ils étaient ainsi protégés par la Seine et par les remparts qu’ils ont édifiés à partir des remplois issus des constructions de la rive gauche qu'ils avaient abandonnées. Grâce à ses remparts, Lutèce est aussi devenue un lieu de cantonnement où séjournent les guerriers mais aussi deux empereurs dont Julien qui y a été proclamé Auguste en 360.
En conclusion, les vestiges antiques retrouvés à Paris ont permis aux archéologues de redécouvrir l’histoire, l’organisation et la position de Lutèce dans la Gaule romaine. Ils témoignent de l’urbanisme romain dont fait preuve cette ville, du mode vie des Lutéciens très romanisé mais aussi de la position stratégique de cette ville.
Cet article publié dans le blog d'Hunza est écrit par Clélia
* Ces photos sont des captures d’écran d'un film en 3D diffusé dans la crypte archéologique de Paris
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